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Sex on the beach – Stirred not shaken

FR

Ce n’est pas tout à fait Spring Break, mais les palmiers de Julie Susset dégoulinent déjà de couleurs psychédéliques alors que les filles d’Agathe Brahami-Ferron sont en maillot, le visage comme tendu vers le soleil. Ces corps d’argile sculptés, doucement ironiques, trouvent leur juste place dans cette Floride fantasmée par la peintre.

Premier ingrédient de ce cocktail, la jeune sculpteure Agathe Brahami-Ferron, tout récemment sortie des Beaux-Arts de Paris et notamment de l’atelier de céramique qu’elle a beaucoup fréquenté, pratique exclusivement le modelage de la terre. D’une grande justesse, ses pièces en faïence, saisissent l’air du temps, dévoilant le corps et ses imperfections. Ainsi, sa nymphette en bikini de gamine a quelques coups de soleil et exhibe avec enthousiasme la rousse toison de ses dessous de bras. Tout d’abord fascinée par la plage comme unique lieu public où l’on dévoile autant le corps, l’artiste cherchait à montrer, avec ses baigneurs, le rapport complexe aux normes sociales et à l’injonction au bonheur. Plus récemment, elle a développé un travail autour du tourisme et de l’exotisme en fabriquant de petits autels, véritables amoncellements d’objets insolites témoins de nos vacances. La plasticienne construit là un farniente imaginaire qu’elle émaille comme une peintre avec une palette de pigments métalliques mélangés à sa couverte obtenant des effets d’aquarelle ou des couches plus épaisses au gré de ses besoins. Le rosé de la peau, les taches de rousseur et la rougeur des joues ont ainsi un rendu extrêmement touchant, et on tombe sous le charme de ses bustes aux yeux masqués, véritables illustrations en volume, reflets à la fois candides et critiques de ce que nous sommes.

Les tableaux de Julie Susset, aux vives couleurs caribéennes, forment l’autre élément essentiel de ce pétillant mélange. La série présentée s’inspire d’un monde végétal luxuriant mais plus on s’approche et plus on perçoit son véritable sujet : celui de la peinture, faite de couleurs et de lumières jaillissantes. Sur de petits formats, l’artiste a expérimenté des couleurs moins habituelles chez elle, comme les fauves, les ocres et les bruns. On redécouvre avec un plaisir renouvelé la couleur jaune et la pleine sensation rétinienne qu’elle procure. Elle travaille toujours par transparence et superposition, créant ainsi une profondeur allant progressivement vers des teintes de plus en plus claires, cherchant par ses multiples couches à faire exister des atmosphères vaporeuses et secrètes comme celle d’une forêt après la pluie. Chaque geste pictural est dynamique, instinctif et profondément joyeux. Artiste autodidacte, Julie Susset oscille entre figuration et abstraction et déclare aimer cet entre-deux, cherchant avant tout la liberté. Par la vibration de ses couleurs, la peintre donne à sentir l’énergie vitale d’une nature rêvée. Par la sauvagerie de ses coups de pinceaux, elle nous fait pénétrer dans une jungle des possibles, un territoire mystérieux, moins littéral, mais plus profondément humain, celui des émotions. Avec son besoin impérieux de peindre, Julie Susset nous invite, elle aussi, au voyage, à travers ses toiles où le regard déambule, un peu ivre de tant d’exubérance, de tant de vie projetée.

Il y a dans cette exposition à l’esthétique lumineuse, une joie certaine qui s’exprime, une ivresse de vivre intensément. C’est peut-être Spring Break.


EN

It’s not quite Spring Break, but the palm trees of Julie Susset already drip of psychedelic colors while Agathe Brahami-Ferron’s girls have put their swimsuits on, their faces stretched out towards the sun. These clay-sculpted bodies, gently ironic, find their rightful place in this Floridian exuberance fantasized by the painter.
The first ingredient of this cocktail is the young sculptor Agathe Brahami-Ferron, who recently graduated from the Beaux-Arts de Paris and its ceramics studio that she has attended a lot, developping an exclusive practice of clay modeling. With great accuracy, her earthenware pieces capture the spirit of the time, revealing the body and its imperfections. Thus, her nymphet in bikini has a few sunburns and enthusiastically shows the red fleece of her underarms. At first fascinated by the beach as the only public place where the body is unveiled, the artist seeks to show, with her swimmers, the complex relationship with social norms and the injunction to happiness. More recently, she has worked around tourism and exoticism by making small altars, piles of unusual relics of our holidays. The visual artist builds an imaginary world of leisure that she enamels like a painter with a pallet of metallic pigments mixed with glaze, in order to obtain watercolor effects, or thicker layers, according to her needs. The rosé of the skin, the freckles and the redness of the cheeks have an extremely touching rendering, and one falls under the spell of its masked-eyes busts, true illustrations in volume, candid and critical reflections of what we are.

The paintings of Julie Susset, with their Caribbean colors, form the other essential element of this sparkling mixture. The series presented is inspired by a luxuriant vegetal world, but the closer you get, the more you can perceive its real subject: pure painting, made of colors and gushing lights. In small formats, the artist has experimented less usual colors, such as tans, ochres and browns. We rediscover with renewed pleasure the bright yellow color and the full retinal sensation that it provides. She always works by transparency and superposition in order to create depth, gradually shifting towards clearer shades, seeking by its multiple layers to suggest vaporous and secret atmospheres such as a forest after the rain. Each pictorial gesture is dynamic, instinctive and deeply joyful. Self-taught artist, Julie Susset oscillates between figuration and abstraction and declares to love this in-between, seeking freedom above all. By the vibration of her colors, the painter allows us to feel the vital energy of a dreamed nature. Through the savagery of her brushstrokes, she let us penetrate into a jungle of possibilities, a mysterious territory, less literal, but more deeply human, that of emotions. With her compelling need to paint, Julie Susset invites us, too, to travel, through her paintings where the glance wanders, a little drunk with so much exuberance, so much projected life.

There is a luminous aesthetic in this exhibition, a certain joy that expresses itself, an exhilaration to live intensely. It may be Spring Break, after all.


Textes d’exposition

Interviews